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"Nous n’observons pas de remise en cause de l’investissement ESG sur le business institutionnel"

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Jean-Francis Dusch
Jean-Francis Dusch, CIO de BRIDGE, la plateforme de dette d’infrastructure de Edmond de Rothschild

Jean-Francis possède plus de 20 ans d'expérience en finance de projets internationaux et structurée. En intégrant le groupe Edmond de Rothschild en 2004, il a co-dirigé le département de finance de projet avant de prendre les rênes des services de conseil en structuration. En 2013, Jean-Francis a dirigé le département Infrastructure et Finance Structurée du groupe, ce qui a conduit à la création de la plateforme Benjamin de Rothschild Infrastructure Debt Generation qui gère plus de €6,5 milliards. Il a commencé sa carrière chez Bouygues Construction, puis a conseillé et structuré des transactions majeures dans les secteurs des infrastructures et des TMT en Europe, Afrique, Moyen-Orient et Asie pour Basil Read, UBS, Citigroup et WestLB. Il est diplômé de l'École Supérieure de Commerce de Paris et détient un diplôme en droit de l'Université Paris II.

 

Il y a une lassitude à l'égard de la finance durable pour diverses raisons. Ressentez-vous cette lassitude du côté des clients ?

Chez Edmond de Rothschild, nous n’observons pas de remise en cause de l’investissement ESG sur le business institutionnel. L’Europe semble réussir son pari de la Transition Energétique. La demande pour des mandats avec des critères ESG/climat est toujours forte et les clients toujours aussi exigeants. Notre engagement repose sur des convictions et des fondamentaux solides. Nous continuons à soutenir nos initiatives d’impact et le climat géopolitique actuel nous donne raison quant à notre vision qui remonte à deux décennies. Plus que jamais l’Europe a besoin de renforcer son indépendance énergétique en investissant dans la transition.

Il semble exister un fossé important entre les besoins de financement pour la transformation de notre économie et la volonté d'investir : Comment ce fossé peut-il être comblé ?


L'impulsion en faveur d'une réduction des émissions est soutenue par des initiatives et cadres réglementaires tels que Net Zero, la taxonomie européenne, le SFDR ou Fit for 55, entre autres. Les décideurs politiques sont confrontés à un trilemme énergétique : fournir une énergie décarbonée, abordable et sécurisée, tout en maintenant leur souveraineté énergétique. Pour atteindre ces objectifs, des investissements de plusieurs milliers de milliards d'euros au niveau mondial sont nécessaire au cours de la prochaine décennie. En Europe, "Fit for 55", visant une réduction de 55% des émissions de CO2 d'ici 2030, nécessite 700 milliards d'euros investis chaque année dans de nouveaux projets d'infrastructure pour accélérer la transition énergétique. Ces projets nécessitent des flux de capitaux considérables, et les investisseurs institutionnels peuvent jouer un rôle crucial. Un nombre croissant d'institutionnels investissent dans le domaine de la transition énergétique et les plus avancés auront généralement anticipé et intégré la directive SFDR/Taxonomie européenne, entrée en vigueur officiellement en mars 2021. Cette évolution nous offre l'opportunité d'être innovants, engagés et disciplinés dans notre contribution au développement de projets essentiels à la préservation de l'environnement, à la création d'emplois et au soutien de l'économie.

Les barrières à l'entrée pour les investisseurs institutionnels et privés qui cherchent à avoir un impact sur l'économie réelle sont encore relativement élevées. Que faire pour les abaisser et mobiliser davantage de capitaux privés ?

Nous avons une vision plus positive sur les initiatives attirant la liquidité des investisseurs institutionnels et privés. Ils ont un rôle clé à jouer dans cette transformation. Aidés dans leur approche par des réformes réglementaires, les investisseurs institutionnels ont compris les défis et les opportunités associés à la transition énergétique. Dans le cadre de la directive Solvency II, les autorités réglementaires ont introduit des mesures pour soutenir l'investissement, y compris un traitement favorable pour la dette d'infrastructure. La réglementation SFDR est clé également. Il est à la fois réconfortant et prometteur que les dirigeants politiques, les autorités réglementaires, les développeurs et opérateurs d'infrastructures, les financeurs publics et privés, aient aligné leurs intérêts et actions pour accélérer la transition énergétique et environnementale. Depuis dix ans tant sur le volet fonds propre que dette, les investisseurs institutionnels prennent une part clef du financement des infrastructures. Ils sont attirés par les actifs réels, qui génèrent des rendements prévisibles et stables et dé-corrélés des évènements politico-économiques, au travers d’un cadre contractuel et d’une réglementation favorable.

Comment gérez-vous le rapport rendement/risque chez BRIDGE, sachant que les investisseurs attendent un rendement financier et un impact réel?

La Transition Energétique et le financement par dette de projets permettent d’identifier des opportunités d’investissement pour lesquelles on peut maximiser le collateral, les covenants financiers et la qualité de crédit de l’actif financé, tout en créant une prime de complexité qui pousse la marge de crédit, et donc le rendement, vers le haut. Notre positionnement d’arrangeur de la dette dans laquelle nous investissons et la capacité de notre équipe à anticiper de nouveau sous-secteurs (mais sans créer plus de risque pour nos investisseurs) nous permet, a profil de risque équivalent, de générer des marges de crédit de 25 à 100 bps plus élevées pour nos investisseurs. Tout cela en créant des portefeuilles qui ont un réel impact. Nous étions pionniers dans le refinancement des parcs d’éoliennes en mer il y a 10 ans, des centrales de biogaz, des projets de centrales de stockage d’énergie par batterie. Ces projets permettent à nos investisseurs de recevoir des rendements stables et plus élevés tout en contribuant concrètement à la transition énergique, tout en créant des emplois et apportant une réponse aux enjeux environnementaux.

BRIDGE se concentre sur la transition énergétique dans tous les secteurs et l'infrastructure numérique depuis sa création. Comment définissez-vous et appliquez-vous cette conviction ?


Chez BRIDGE, nous sommes totalement engagés dans la transition énergétique, à travers tous les secteurs. Nous investissons aujourd’hui au travers des cinq secteurs suivants. Secteur de l’énergie : Nous avons financé des projets énergétiques en Europe, incluant éolien, solaire, biomasse, ainsi que des projets innovants tels que biogaz, récupération de méthane, et stockage par batteries. Les infrastructures de transport qui connaissent une phase de transformation majeures avec le Réseau Transeuropéen et le plan Juncker favorisant les stations de recharge pour véhicules électriques, soutenues par des investissements en capital et dette privée. Les infrastructures sociales, comme les "bâtiments durables", qui jouent aussi un rôle clé dans cette transition, avec un accent sur l'efficacité énergétique dans les secteurs de la santé et l'éducation notamment. Les services publics qui entreprennent également leur transition énergétique, modernisant les installations, réduisant les émissions de CO2 et sortent progressivement mais sûrement – et dans des délais ambitieux – des matières premières fossiles. Enfin les infrastructures numériques (efficacité énergétique) font également partie intégrante de la transition et offrent un large univers d'investissement.

Quid des marchés émergents ou les opportunités pour financer la transition sont énormes?


La Transition Energétique est un phénomène global. Beaucoup de pays lancent des initiatives et accélèrent leur transition. C’est pour cela que nous commençons à étendre notre couverture géographique avec une projet concret et bien avancé pour lancer un fonds de dette d’infrastructure au Moyen Orient, qui supportera initialement le plan d’infrastructure du Royaume d’Arabie Saoudite qui comprend un large volet de transition énergétique.